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Tourisme au Bénin : Les amazones, un corps d’élite de l’histoire militaire du Danhomey

Tourisme au Bénin : Les amazones, un corps d’élite de l’histoire militaire du Danhomey | Express Tourisme Bénin

Les troupes coloniales françaises, malgré leur supériorité militaire, ont souffert plus de deux (2) ans avant d’arriver au bout de l’armée dahoméenne et d’atteindre Abomey, la capitale. Et pour cause, la résistance acharnée menée par les Agoodjié ou minos («nos mères » en fongbe, langue parlée alors dans le cité-état de Dahomey et toujours en usage au Bénin). Considérées comme l’avant-garde et l’élite de l’armée royale, ces valeureuses femmes guerrières s’étaient résolues à défendre les territoires du danhomé peu importe ce que cela peut leur coûter.
 

Les amazones du Danhomey, un régiment de femmes à la férocité légendaire qui existerait depuis la fondation du royaume

Crânes rasés, petits bonnets blancs brodés de caïmans bleus sur la tête, une démarche virile et le regard furieux, voici les dernières images que l’on a aujourd’hui des amazones de Danhomé. La période exacte de la création de ce corps militaire est largement débattue. Selon certaines sources orales, elle serait l’œuvre d’Aho Houégbadja, le véritable fondateur du royaume. Cependant, tout porte à croire que la reine Tassi Hangbè (ou Nan Hangbè), sœur jumelle du roi Akaba est la véritable créatrice du corps des Minos. Peu après son accession au trône en 1708 suite à la mort de son frère, elle décida de mettre sur pied une garde rapprochée constituée uniquement des femmes. Ainsi nées les agodjiés, qui signifie « ôte-toi de mon chemin ! ». Ces guerrières étaient chargées d’assurer la sécurité de la cours royale et sont souvent  déployées comme des espions dans le camp ennemi. Elles intervenaient efficacement dans les embuscades et les champs de batailles. 
Surnommées par les « amazones » par les français lors des campagnes militaires dirigées contre le royaume de Danhomey en 1892, les agodjiés étaient devenues une véritable armée d’élite sous le règne de Guézo, grand-père de Béhanzin.
 

Un corps militaire en surnombre et majestueusement structuré

Au début des hostilités entre les troupes françaises et l’armée royale danhoméenne, le nombre des agodjiés est estimé à plus de 4000. Ce corps d’élite était organisé en bataillon et selon les catégories. Chacune de troupes avait ses uniformes uniques, ses drapeaux, ses chants et ses danses de combat. Du jamais vu dans les armées africaines à cette époque.
 
• Aligossi 
Ce bataillon est la garde rapprochée du roi. Elles sont parfaitement entrainées et sont postées à des points stratégiques du palais en vue d’assurer la sécurité du souverain.
 
• Djadokpo 
Ce bataillon est l’avant-gardiste des troupes régulières. Ces amazones étaient réputées pour décapiter leurs adversaires et manient les couteaux et fusils à la perfection. Les Djadokpo sont organisées en cinq régiments.
 
• Galamentoh 
Ces agodjiés sont les fusilleuses. Elles représentent la fraction la plus importante du contingent des minos. Armées des fusils carabine Winchester, elles tiraient sur tous les ennemis qui osent se pointer devant elles. Les Galamentoh portent aussi un sabre court et un poignard, des armes qu’elles utilisaient en cas de combat corps à corps.

• Gohento (archères)
Armées de flèches à la pointe enduite d’un poison, ces agodjiés sont réputées pour leur habileté et leur précision sur le champ de bataille. Leurs missions est d’attaquer l’ennemi à distance.
 
• Nyekplohento (faucheuses) 
Elles sont reconnaissables par leur corpulence massive et imposante. Munies de longues machettes tranchantes formées d’une lame de 45 centimètres montée sur un manche de 60 centimètres, elles ont la réputation d’être particulièrement cruelles. Sur les champs de bataille, elles n’hésitent pas à décapiter leurs adversaires et à brandir les têtes tranchées afin de briser le moral des autres ennemis qui poursuivent le combat.
 
• Gbeto (chasseresses)
Considérées comme le commando d’élite des amazones, les Gbeto sont de véritables tueuses ‘’professionnelles’’. Elles sont sélectionnées avec soin parmi les plus fortes du royaume.
 
• Agbarya  
Les Agbarya  sont des femmes guerrières spécialisées dans l’artillerie. Elles se servaient des canons pour éliminer une partie des troupes ennemies.
 
Des guerrières formées pour souffrir et faire souffrir les ennemis du Danhomé

Outre la mission de protection du souverain, les agodiés sont appelées à épauler l’armée régulière ou à intervenir là où elle a perdu. Pour cela, les rois ont pris soin de ne rien laisser au hasard en ce qui concerne leur recrutement et formation. La sélection se fait parmi les descendantes des esclaves qui respectent certaines conditions strictes. En ce qui concerne les citoyennes du royaume, l’enrôlement est tantôt volontaire, tantôt forcée. En effet, les jeunes femmes fon peuvent de leur propre gré se proposer d’intégrer le corps des minos. Aussi, tous les trois ans, les sujets du souverain dahoméen devaient présenter leurs filles devant un conseil constitué de sages. Ces derniers les passaient  en revue et sélectionnaient celles qui sont aptes à être admises dans la maison du roi.
 
Une fois sélectionnées, les futures agodjiés suivaient une formation rude. En période d’accalmie, elles s’entrainaient aux combats corps à corps et au maniement des armes notamment les fusils, flèches, machettes, etc. Les Gahu (officières) et Ahouangan (sous-officières) les préparaient psychologiquement à résister à la douleur et ignorer la pitié́. Leur devise « vaincre ou mourir » en dit long. Contrairement à ce qui s’observe dans l’armée régulière, les agodjiés font le vœu de célibat. Elles doivent rester vierges et ne peuvent pas se marier. Quiconque tente de devenir l’amant d’une amazone est immédiatement exécuté.
 

Un corps d’élite qui reste légendaire
 
La prise de l’Abomey (la capitale du royaume) et la reddition du Roi Béhanzin en 1894 marque la fin de l’ère amazone. Pourtant, leur bravoure et détermination restent gravées dans les mémoires. Plusieurs historiens et acteurs culturels essaient d’immortaliser les actes héroïques de ces infatigables guerrières. En 1978, un chercheur béninois est allé à la rencontre de la dernière survivante des amazones dans le village de Kinta. Cette agodjié se prénommait Nawi. La centenaire confirmait avoir pris part à la grande bataille qui s’était déroulée en 1992 entre les minos et les troupes françaises. Dans le reportage, elle a livré  un témoignage poignant. Nawi rejoint ses ancêtres quelques mois seulement après être confié à cet historien béninois.
 
Le mode de vie des amazones du Dahomey et le récit des campagnes militaires de ces guerrières ont été représentés dans plusieurs films dont les plus notables sont Black Panther et The Woman King. En 2022, le gouvernement béninois rend hommage aux agodjiés en inaugurant une statue haute de 30 mètres sur esplanade des Amazones à Cotonou, derrière le palais présidentiel.